À une époque où la restauration des valeurs est un enjeu crucial pour notre société, il est impératif que l’industrie musicale gabonaise ne soit pas en reste. Le secteur artistique, tout comme les autres composantes de notre nation, doit également se soumettre à une introspection morale. Le phénomène Eboloko, souvent décrit comme une apologie du plagiat, illustre parfaitement les contradictions auxquelles notre industrie musicale est confrontée.
D’une part, il est indéniable que chaque Gabonais peut ressentir une certaine fierté lorsqu’un artiste du pays, peu importe son parcours, parvient à se faire remarquer sur la scène internationale. Cependant, il est tout aussi légitime de s’interroger sur le message que cela renvoie aux autres artistes, souvent moins médiatisés, et aux jeunes de notre société.
Que leur enseigne-t-on sur la réussite et le mérite ?
Le cas de l’artiste Eboloko est particulièrement révélateur. Son titre “Santana”, qui n’est autre qu’une reprise d’une chanson du chanteur nigérian Omah Lay, l’a propulsé sur le devant de la scène, lui conférant une notoriété inédite. Cette popularité lui a même valu l’attention du média international RFI, qui l’a présenté comme faisant partie de “cette nouvelle génération qui révolutionne la musique gabonaise”. Mais peut-on vraiment parler de révolution locale lorsque le succès repose sur une œuvre empruntée à un autre artiste ?
Plus encore, ce morceau lui a ouvert les portes de la prestigieuse maison de production Sony Music Afrique, avec laquelle il a eu l’opportunité de collaborer. Il rejoint ainsi Emma, une autre artiste gabonaise, au sein de cette même structure. Si ce parcours semble enviable, il est légitime de se demander quel message cela envoie à la communauté artistique et à la jeunesse gabonaise en général.
Que doivent penser des artistes tels que General Itachi, Fetty Ndoss, Donzer, et bien d’autres, qui, sans céder à la facilité des reprises, déploient un talent indéniable dans le même genre musical qu’Eboloko, la “Ntcham”, sans pour autant bénéficier de la même reconnaissance ? Doivent-ils revoir leur approche et succomber à la tentation du plagiat pour espérer atteindre les sommets ?
L’industrie musicale gabonaise est-elle condamnée à imiter des sonorités venues d’ailleurs, principalement du Nigeria ou du Ghana, pour connaître un succès retentissant ? Si tel est le cas, peut-on encore parler de musique gabonaise authentique ou s’agit-il simplement de copies conformes “gabonisées” d’autres styles étrangers ? La question mérite d’être posée.
Dans ce contexte, il est essentiel de rappeler que les véritables vedettes pourraient bien être les artistes étrangers comme Omah Lay ou Shatta Wale, dont les œuvres servent de base à nos propres artistes pour se faire un nom. Trivialement, on pourrait dire que ce sont ces figures internationales qui “mettent nos artistes au travail”.
La restauration des valeurs, aujourd’hui plus nécessaire que jamais, devrait être l’occasion de remettre l’excellence, l’originalité, et le travail acharné au centre des stratégies artistiques. Faute de quoi, nous risquons d’envoyer des signaux erronés aux futures générations d’artistes, et de compromettre l’avenir de la musique gabonaise. Il est temps de réfléchir à ce que nous valorisons réellement dans notre culture musicale, et de promouvoir ceux qui, par leur talent et leur créativité, méritent vraiment d’être célébrés.
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